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Interview : Jean-Louis Marchant, Directeur général de l’Atelier Cambier

L’Atelier Cambier, vous en avez sans doute déjà entendu parler, mais qui se cache à sa tête ? Quelle a été sa recette pour avoir su fédérer les travailleurs de cette petite entreprise qui maintenant a tout d’une grande ?

Dans cette première interview nous allons faire plus ample connaissance avec un homme que l’on peut qualifier d’entrepreneur visionnaire : son Directeur général, Jean-Louis Marchant.

Monsieur marchant, nous souhaiterions savoir Comment vous ETES devenu Directeur general de l’ATELIER CAMBIER ?

Je suis arrivé en 1995. Auparavant, j’étais client à l’Atelier Cambier. Je travaillais dans la communication en tant qu’indépendant.
La situation de l’Atelier Cambier était très compliquée, l’entreprise connaissait de très grosses difficultés financières. C’était un atelier protégé avec une mission exclusivement sociale.  Les résultats économiques passaient vraiment au second plan.
C’est à la même époque que les ateliers protégés ont été transformés en entreprises de travail adapté. Il s’agissait d’ajouter des objectifs économiques aux objectifs sociaux de l’entreprise.
Je suis arrivé sur un terrain qui n’était pas du tout préparé à ce changement et il a fallu y parvenir.
J’ai rapidement réalisé que j’étais passionné par l’entreprise et j’ai été nommé directeur général à temps plein.

Quelles ont été les actions pour redresser la situation ?

Je me suis dit à l’époque qu’il fallait utiliser les fonds européens pour avoir des formateurs et des audits de la situation réelle. C’est ainsi que j’ai choisi, dans un premier temps, de faire appel à des sociologues.

Grâce à l’audit, nous allions pouvoir identifier ce qui fonctionnait de ce qui ne fonctionnait pas et savoir quelle était la différence entre les titres que les gens avaient et la fonction qu’ils exerçaient, entre les responsabilités liées à la fonction et les responsabilités qu’ils prenaient réellement.

Là, nous avons eu beaucoup de surprises en constatant que les flux de commandements et de communication ne correspondaient pas à ce que qui figurait dans l’organigramme.

Le but de l’audit pouvait se résumer ainsi : mettre le doigt sur ce qui pourrait ne pas fonctionner dans un esprit beaucoup plus entrepreneurial. Nous avons compris plusieurs choses utiles.  Par exemple, nous allions mal financièrement mais paradoxalement nous n’avions pas de commercial alors que c’est justement dans de pareils moments qu’il vaut mieux en avoir un.  Nous avons aussi réalisé qu’une partie du personnel n’était pas prête au changement.  Il fallait faire évoluer cette situation.

Fallait-il donc un aspect plus entrepreneurial ?

J’avais beaucoup de responsables de départements issus de l’univers social.  Il fallait qu’ils puissent aussi devenir des managers.

Dans un premier temps nous avons travaillé sur le groupe et ensuite sur les individus : nous voulions connaître les aptitudes de chacun à devenir manager tout en conservant l’aspect social de leur travail. Nous avons alors fait appel à un psychologue d’entreprise.

Nous avons utilisé la méthode MBTI qui peut être illustrée de la manière suivante : si vous écrivez de la main droite, c’est parce que c’est votre préférence naturelle et si vous vous blessez vous allez devoir écrire de la main gauche et allez devoir vous adapter à cette situation.

Je vais prendre un autre exemple, il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse : est-ce que vous préférez prendre des décisions logiques ou agréables ?

Souvent quand on travaille dans le social, on pense qu’il est préférable de faire des compromis.  Un manager doit rester dans une certaine logique stratégique et nous nous sommes aperçus que certaines personnes n’avaient pas le profil pour pouvoir avancer seules.

Quelles ont été les conséquences de cet audit ?

Certaines personnes sont parties et ce n’était pas ce que je voulais.

Je me suis dit que maintenant que nous connaissions le fonctionnement du groupe, nous savions ce que nous devions changer et nous nous connaissions mieux en tant qu’individus. Nous avions mis en lumière nos préférences naturelles. Nous connaissions donc le travail à réaliser. Il fallait dès lors se former.

Des formations dans le domaine managérial ?

Nous nous sommes formés à tout un tas de techniques managériales qui étaient méconnues par la grande majorité. Je dois dire que certains ont abandonné quand même en cours de route.  Nous avons dû recruter une nouvelle équipe qui est assez proche de l’équipe actuelle.

Et en ce qui concerne la production ?

Avant mon arrivée, l’Atelier Cambier engageait sur base du handicap et non sur base des compétences.  Ce type de recrutement ne permettait plus de répondre aux demandes du marché, nous avons donc modifié notre politique d’engagement tout en continuant à tout mettre en place pour garder au travail les personnes les plus lourdement handicapées.
A notre initiative, une cellule de maintien au travail a vu le jour.  Le but étant de ne pas licencier.

La transition a donc pu s’effectuer sur plusieurs années.

Tout a été mis en place afin que l’évolution de l’entreprise ne se fasse pas au détriment de notre valeur phare : l’intégration de la personne handicapée par un travail adapté et valorisant.

Le résultat a-t-il été positif ?

Nous sommes passés du rouge au vert et depuis nous n’avons plus jamais quitté le vert.

Comment avez-vous adapté votre mode de management à l’évolution de la situation ?

J’ai fait à nouveau appel à un psychologue d’entreprise et fait un audit sur mon mode de management cette fois.  Je voulais connaitre mes points d’amélioration. Il a interrogé tous les collaborateurs pour définir ce qu’ils ressentaient par rapport au mode de management que j’imposais.  Mon profil a été qualifié de visionnaire : « voir toujours plus loin ».

Visionnaire, n’est-ce pas un atout pour le poste de directeur ?

Le défaut d’un visionnaire, c’est qu’il pratique peu la reconnaissance parce que ce qui est fait est déjà du passé.  Cela n’était pas motivant pour mes collaborateurs : « pas un merci et nous passions à la suite ».  J’ai travaillé sur mon manque d’aptitude à la reconnaissance.  J’ai donc appris comment la pratiquer.

C’était une remise en question pour vous ?

C’est une force de se remettre en question car j’ai surtout appris à faire confiance et à déléguer.  Aujourd’hui, je ne suis plus seulement le directeur mais le facilitateur.  Suite à ce travail de remise en question, j’ai compris que le manque de reconnaissance donnait l’impression d’un manque de confiance.

Avant, c’était : « qu’est-ce que je dois faire chef ? ». Mes collaborateurs attendaient mes ordres.  Maintenant, ce sont eux qui prennent des initiatives et défendent des projets qui leur sont propres.  Je joue un rôle de facilitateur en trouvant tous les moyens et les supports, en ne donnant plus d’ordre mais en posant les bonnes questions. Cette confiance-là a très vite été ressentie. Tout cela a boosté l’équipe !

Aujourd’hui, on travaille principalement en groupe et cela fonctionne. Notre méthode apporte de la flexibilité, très remarquée par les clients.

Comment managez-vous les aspects sociaux ?

Nous avons passé la certification ISO qui demandait des exigences supplémentaires : ISO est une norme qui vise la satisfaction continue du client alors pourquoi ne pas viser l’amélioration continue de la satisfaction de nos clients internes, nos travailleurs ?

Nous avons encore fait appel aux Ateliers de la Fucam en leur soumettant notre projet. Ils nous ont aidés en créant un modèle appelé MOSTRA, ce qui signifie Management des Objectifs Sociaux en Travail Adapté.

Est-ce un modèle spécifique à l’Atelier Cambier ?

Nous étions 6 entreprises de travail adapté. Nous avons commencé à développer le concept et nous sommes allés à l’AWIPH – Agence Wallonne pour l’Intégration des Personnes Handicapées – pour le présenter.  Par la suite nous avons été amenés à présenter le projet aux autres ETA qui souhaitaient le connaître.

Est-ce un modèle toujours utilisé ?

Au final, c’est surtout un état d’esprit. Nous avons intégré la méthode et nous l’utilisons à notre manière.

Aujourd’hui, malgré le fait que nous soyons bons économiquement, nous avons toujours une optique sociale très développée. Cela ne viendrait pas à l’idée d’un collaborateur de ne pas intégrer le raisonnement social dans son raisonnement économique.

Entretenez-vous cette culture d’entreprise ?

Chacun joue un rôle permanent dans l’entretien de notre culture d’entreprise.  Je suis entouré uniquement de gens de valeurs en qui j’ai confiance.

Et avez-vous pris des risques aussi au niveau investissements ?

Nous avons su prendre les décisions au bon moment.  La construction d’un nouveau bâtiment pour répondre à la demande d’un client important pour pouvoir doubler production et stockage en est la preuve.

Notre force est d’être partenaire de nos clients.  Nous osons investir pour des marchés niches.  Nous étudions régulièrement le marché pour suivre l’évolution technique et environnementale, l’achat d’une machine de mise sous film bio en est un bon exemple.

Quelle est votre plus grande fierté depuis votre entrée en fonction ?

Certainement, le climat et la culture de l’entreprise, surtout quand je regarde d’où nous venons. Je suis très heureux et les collaborateurs ont l’air de l’être aussi. Que vouloir de mieux ?

J’ai fait revenir les Ateliers de la Fucam pour faire un état des lieux 20 ans plus tard.

Ils nous ont décrit comme une entreprise qui fonctionne en adhocratie c’est-à-dire que le mécanisme principal de coordination entre nous est l’ajustement mutuel avec un mode de management souple.

Ma fierté est d’être arrivé à créer une société composée de collaborateurs qui forment une équipe soudée.

Pour terminer, comment voyez-vous l’avenir dans 5 ou 10 ans?

Nous avons créé un beau modèle.  J’arriverai en fin de carrière dans 5 ans et je pense à l’après.  Mon souhait est que la culture d’entreprise se perpétue.  Je m’implique dans le groupe de travail e-marketing parce que c’est l’avenir et j’y joue mon rôle de facilitateur.  C’est en continuant dans cet état d’esprit que nous pourrons assurer la pérennité et le développement social et économique de l’entreprise.

Nous espérons que cette interview vous a permis de mieux connaître « l’esprit » de l’Atelier Cambier et n’hésitez pas à nous laisser un commentaire pour exprimer votre sentiment !

Propos recueillis par Samira Gherbi, Community manager

1 Comment

  • Posted 2 février 2017 at 17 h 01 min
    by Tormen Ivo

    Sans conteste, vrai!

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